Le concept d’innovation ouverte permet à une entreprise de se nourrir des idées et des ressources provenant de ses clients, partenaires, fournisseurs ou encore de startup et d’instituts de recherche. Les plates-formes web sociales inspirées de Facebook, LinkedIn ou YouTube sont l’outil rêvé pour connecter des communautés qui veulent partager, co-créer, discuter et modifier des contenus générés par elles-mêmes.
Contrairement à l’approche traditionnelle, l’open innovation valorise la diversité des contributions pour enrichir les processus internes. Certaines marques ont ainsi montré que l’interaction des entreprises avec leurs consommateurs via les réseaux sociaux est un vrai gisement d’innovation. Pourtant, libérer tout le potentiel de cette démarche nécessite de nombreux changements d’attitudes et de méthodologies de la part des entreprises – c’est pourquoi ce gisement est largement sous-exploité à l’heure actuelle. Heureusement, des solutions existent. En voici quelques-unes issues d’une recherche récente.
Un duo prometteur
Il existe différentes catégories de réseaux sociaux pouvant être utilisées dans le cadre de l’innovation ouverte, et chaque type peut représenter un choix optimal selon la cible visée (par exemple, les réseaux sociaux « publics » comme Facebook ou X pour les clients/utilisateurs et les réseaux sociaux d’entreprise comme MS Teams ou Slack pour interagir avec ses employés). Certaines entreprises ont choisi de déployer également leurs propres solutions, comme Lego avec la plate-forme collaborative Lego Ideas, où les amateurs de petites briques soumettent ainsi des idées de nouveaux produits qui sont ensuite évaluées par la communauté.
Les propositions les plus populaires deviennent des produits réels, comme la réalisation de sets d’Apollo 11 ou du Titanic, ou inspirées de séries TV à succès comme Big Bang Theory ou «The Office. Avec cette stratégie dite de crowdsourcing, Lego réduit non seulement ses coûts de recherche et développement, mais aligne aussi ses créations sur les attentes réelles du marché.
Plusieurs entreprises ont choisi une voie similaire avec succès, comme Dell (IdeaStorm) ou encore Starbucks (MyStarbucksIdea), d’autres ont également cherché à interagir également avec des chercheurs, ingénieurs, ou même des concurrents comme Procter & Gamble ou Bosch. Ainsi, certaines entreprises peuvent choisir de créer leurs propres plates-formes afin de mieux « maîtriser » le processus et d’en maximiser les bénéfices, ou encore de faire appel à un intermédiaire spécialisé en innovation ouverte, comme WazokuCrowd ou 9 Sigma.
Au-delà de chercher à co-développer des produits avec le public, les marques se servent a minima des réseaux sociaux pour surveiller les tendances du marché en temps réel et obtenir des retours immédiats sur certains prototypes. Mais malgré ces réussites, beaucoup d’entreprises hésitent encore à intégrer les réseaux sociaux dans leur stratégie d’innovation. L’un des freins majeurs ? Le manque de ressources et de compétences.
Des barrières à surmonter
Bon nombre d’organisations peinent en effet à mobiliser des équipes dédiées ou à s’équiper des outils permettant d’exploiter pleinement les données produites sur ces plates-formes. De quoi limiter leur capacité à analyser les informations collectées ou à établir des connexions pertinentes avec des partenaires externes.
Par ailleurs, la question de la propriété intellectuelle est une vraie source d’inquiétude. Certaines entreprises ont peur de perdre le contrôle sur leurs idées si elles s’engagent dans des démarches collaboratives. Une méfiance parfois culturelle, en particulier dans les organisations aux hiérarchies rigides, peu enclines aux échanges inter-départements, et encore moins avec l’extérieur !
D’autres entreprises tentent de tirer parti des réseaux sociaux pour l’innovation, mais rencontrent des barrières technologiques. Identifier les bons outils, extraire des données pertinentes ou assurer la sécurité des informations partagées peuvent être de vrais défis à surmonter.
Une démarche progressive indispensable
Il est essentiel que les entreprises qui souhaitent faire ce choix d’associer réseaux sociaux et innovation ouverte ne doivent pas se précipiter et procéder par étapes. La méthode la plus facile à mettre en œuvre consiste à utiliser les réseaux sociaux principalement dans les départements marketing pour recueillir des retours sur les produits et générer des idées de développements futurs. Une approche peu coûteuse, mais aux bénéfices limités car elle ne mobilise qu’une partie des ressources de l’entreprise.
L’étape suivante serait d’impulser une collaboration plus étroite entre départements, comme le marketing et la R&D. Idéal pour une meilleure circulation des idées et des données, mais au prix de plus gros efforts pour coordonner les actions. En outre, il est primordial d’articuler l’approche d’innovation ouverte fondée sur les réseaux sociaux avec les autres dynamiques d’innovation existantes. L’intégration joue ici un rôle clé pour mettre en place des canaux garantissant que les résultats soient non seulement pertinents, mais également exploitables.
Avoir de la chance, ça se prépare !
Certaines entreprises pionnières intègrent les réseaux sociaux à plusieurs phases du processus d’innovation, de la génération d’idées à la commercialisation, adoptant ainsi une approche holistique et globale. Des organisations avant-gardistes vont encore plus loin en impliquant une majorité des départements dans des démarches collaboratives, tirant parti d’une combinaison judicieuse de différents types de réseaux sociaux dans une stratégie d’innovation ouverte de haut niveau. Si cette approche promet des résultats significatifs, elle nécessite toutefois des investissements massifs dans la technologie et la formation des équipes, tout en surmontant les résistances internes et les défis liés à la mobilisation des ressources.
Ainsi, pour exploiter pleinement le potentiel des réseaux sociaux pour l’innovation, définir des objectifs clairs, aligner ses actions sur une vision stratégique, former ses équipes et développer les compétences en interne est indispensable. Collecter, mesurer, analyser et exploiter les données qui en sont issues suppose de créer une culture d’ouverture, d’échange et de collaboration entre départements et avec des partenaires externes.
En innovation, la chance favorise les audacieux certes, mais surtout ceux qui s’y préparent avec soin.
Cet article de Pierre-Jean Barlatier, Professeur associé à l'EDHEC, a été republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.